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Le cœlacanthe, centenaire mais vulnérable par sa reproduction tardive

Le cœlacanthe, espèce emblématique en évolution, pourrait vivre au moins 100 ans, avec une période de gestation de 5 ans et une reproduction vers 55 ans. Ces résultats, tout juste publiés par des chercheurs de l’Ifremer et du Muséum national d’Histoire naturelle, bouleversent la connaissance de cette espèce. Déjà classée en grand danger par l'UICN, elle serait beaucoup plus vulnérable qu'on ne le pensait.

Le cœlacanthe est un animal mythique, dont l'origine du groupe remonte à 400 millions d'années. Il peut mesurer jusqu’à 2 m de long pour un poids maximal de 110 kg. L'espèce africaine réside dans les eaux du détroit du Mozambique et sa population ne serait potentiellement de quelques milliers d’individus seulement. Le cœlacanthe est classé parmi les espèces en danger critique d'extension par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).

L’article scientifique publié aujourd’hui est une petite révolution pour la conservation de cette espèce. En effet, le cœlacanthe vivrait plutôt un siècle, que les 22 ans supposés auparavant, avec une période de gestation de 5 ans et une reproduction vers 55 ans. L’espèce serait donc plus en danger qu’on ne le croyait car, face aux menaces anthropiques, peu d’individus peuvent atteindre l’âge de se reproduire.

« On peut relever qu’au-delà du mythe, le cœlacanthe prend la place de champion du monde de la durée de gestation, dépassant de loin le record de l’éléphant (2 ans de gestation) chez les mammifères ou du requin lézard (3,5 ans) chez les poisons », souligne Bruno Ernande, co-auteur de l'article et écologiste évolutif de l’Ifremer au sein de l’UMR MARBEC à Montpellier.

Lire l’âge sur les écailles

Le Muséum national d’Histoire naturelle héberge la plus importante collection de cœlacanthes. L'analyse des écailles prélevées sur les spécimens conservés en fluide depuis les années 60, ont permis de déterminer l'âge de 27 individus : comme pour les cernes des arbres, chaque année passée laisse une strie visible au microscope.

« À la différence de la seule étude précédente datant de 1977, nous avons utilisé un microscope dit polarisé, qui par un jeu de lumière et de miroirs permet une observation plus fine. Et nous avons découvert 5 à 6 petites stries supplémentaires entre celles déjà identifiées par le passé », explique Kelig Mahé, premier auteur de l’étude et responsable de l’unité Ifremer halieutique de Manche-Mer du Nord à Boulogne-sur-Mer.

Ces observations ont été confirmées grâce à des images en 3D réalisées par l’université de Dijon et de la plateforme AstRx du Muséum national d’Histoire naturelle.

L'étude de jeunes individus, provenant du ventre de deux femelles gestantes, a permis aux chercheurs d’apporter de nouvelles conclusions sur le rythme de reproduction de l'espèce.

« Là encore les écailles ont parlé : et à notre grande surprise, les petits sur le point de naître étaient âgés de 5 ans » rapporte Marc Herbin, dernier auteur de l'article et biologiste de l'Unité MECADEV du Muséum.

« Tous les indices sont concordants, se réjouissent les 3 auteurs. Comme on pouvait le suspecter, il s’agit bien d’une espèce à croissance lente et à reproduction tardive, une des espèces au développement le plus lent chez les animaux marins. »

Les chercheurs vont poursuivre leurs travaux pour tenter de montrer les relations entre la température de l’eau et la croissance du cœlacanthe, car le changement climatique pourrait constituer une menace supplémentaire pour la survie de l’espèce.

Photo de coupe au microscope d'une écaille présentant des stries

Comme pour les cernes des arbres, chaque année passée laisse une strie visible au microscope sur les écailles

© Ifremer
Photo d'un Cœlacanthe de profil, sur fond noir

Cœlacanthe : l’article scientifique publié aujourd’hui est une petite révolution pour la conservation de cette espèce

© MNHN
Photo d'un chercheur devant des ordinateurs dans le laboratoire de l'Ifremer à Boulogne

Le laboratoire de l'Ifremer à Boulogne permet d’étudier la croissance des poissons grâce à leurs écailles notamment

© O. Dugornay - Ifremer

PUBLICATION

Article publié dans la revue Current Biology.