Limiter l’éclairage artificiel a-t-il un réel impact sur la biodiversité ?
La pollution lumineuse due à l'éclairage artificiel est considérée depuis une dizaine d’années comme une menace importante pour la biodiversité. Avec un développement de l’ordre de 6 % par an dans le monde (3 % en France), la pollution lumineuse affecte aujourd’hui près de 20 % de la superficie du globe. Aussi, environ 10 000 communes en France ont mis en place depuis 2008, un système d’extinction de l’éclairage public à certaines heures de la nuit (de minuit à 05 heures du matin environ). Cette mesure au préalable mise en place pour réduire les coûts de l’éclairage, permets aussi de limiter les émissions de CO2.
Pourtant, aucune étude en France n’avait été effectuée sur les liens entre extinction nocturne des lampadaires et biodiversité. C’est pourquoi, une équipe de chercheurs du Centre des sciences de la conservation (UMR 7204 - Muséum national d’Histoire naturelle, CNRS, UPMC), s’est rendue dans le Parc naturel régional du Gâtinais français afin de tester l’effet de cette mesure (qui pour le Parc s’intègre dans un plan climat) en comparant l’activité de huit espèces de chiroptères (chauve-souris) sur trois types de sites : des sites éclairés toute la nuit, des sites éclairés avec extinction en milieu de nuit, et des sites contrôles non-éclairés.
Trois types de réponses sont recensés. Certains chiroptères (groupes des Murins et des Oreillards) fuient la lumière et sont donc plus actifs sur les sites avec extinction de la lumière à minuit. La pipistrelle commune, connue pour chasser les insectes sous les lampadaires, est par contre, plus active sur les sites éclairés toute la nuit. Pourtant, finalement, la majorité des espèces (cinq sur huit) ont le même niveau d’activité quelle que soit la configuration lumineuse.
Les conclusions de cette étude suggèrent que les schémas actuels d’extinction nocturne ne correspondent pas forcément aux rythmes d’activités des chiroptères, qui sont pour la plupart actifs en début de nuit. Aussi, cette mesure pourrait être efficace si l’extinction commençait plus tôt dans la nuit. En effet, les espèces sensibles à la lumière seraient alors moins soumises à la perte et la fragmentation de leur habitat nocturne et auraient accès à des territoires de chasse additionnels, au moins une partie de la nuit. Limiter la durée de l’éclairage artificiel aurait donc bien un impact positif sur la biodiversité ; le mieux étant d’éteindre la lumière avant minuit, en particulier le long de corridors écologiques, essentiels au maintien de la biodiversité dans les paysages urbanisés.
Référence
Azam C, Kerbiriou C, Vernet A, Julien J-F, Bas Y., Maratrat J., Le Viol I. (2015). Is part-night lighting an effective measure to limit the impacts of artificial lighting on bats? Global Change Biology, 21, 4333–4341. DOI: 10.1111/gcb.13036