Pourquoi l'Homme de Néandertal a-t-il disparu ?

Les raisons de la disparition de Néandertal font encore débat, et aucune hypothèse n’est parvenue à faire consensus. Toutes les espèces ayant une durée de vie limitée, certaines théories avancent que Néandertal ne se serait finalement pas adapté à son environnement.

De 400 000 à 40 000 ans environ, Néandertal peuplait une bonne partie de l’Europe et de l’Asie. Ces représentants du genre Homo ont été les premiers humains préhistoriques découverts au 19e siècle, et ont longtemps côtoyé Homo sapiens avant leur extinction. Pour ces raisons, entre autres, ils continuent de fasciner et les hypothèses autour de leur disparition sont toujours nombreuses.

Les différentes hypothèses autour de la disparition de Néandertal

Plusieurs hypothèses ont été avancées sur la disparition de cette espèce. Certains scientifiques ont pu émettre l’idée qu'Homo sapiens était plus adapté à son environnement, et plus intelligent. Mais cette supposition, considérée comme trop simpliste, a été écartée : l’étude des restes fossiles montre, en effet, qu’il avait sûrement des capacités cognitives proches des nôtres. Il était tout aussi capable qu'Homo sapiens de s’adapter à son environnement.

D’autres théories ont tenté d’expliquer l’extinction de Néandertal : apparition d’une maladie, éradication par Homo sapiens ou encore diminution de la fertilité. Or, aucune maladie n’aurait pas pu être à l’origine de la disparition des Néandertaliens puisque leur déclin n’a pas été brutal. Aucune preuve n’est venue étayer la seconde hypothèse : la cohabitation entre Néandertal et Homo sapiens s’est a priori passée sans guerre entre différentes espèces et les données génétiques sur l’analyse du génome de Néandertal ont permis de montrer que la population était déjà en décroissance démographique avant l’arrivée de Sapiens sur le territoire. Enfin, l’hypothèse de la baisse de la fertilité n’est pas démontrable.

Pour qu’une hypothèse soit scientifiquement valable, elle doit pouvoir être testée. Or, nous n’avons pas suffisamment d’éléments à ce jour pour en confirmer une. Les causes de la disparition de cette espèce font encore débat, et aucune hypothèse ne saurait en être la seule explication. - Antoine Balzeau, paléoanthropologue au Muséum national d’Histoire naturelle.

Deux lignées néandertaliennes au moment de l’extinction de l’espèce ?

Thorin : le dernier représentant d’une lignée néandertalienne ?

En septembre 2024, une équipe de recherche publie dans la revue Cell Genomics, la découverte d’un corps néandertalien dans la grotte Mandrin, un site préhistorique qui se trouve dans la Drôme. Ce type de découverte est rarissime : la dernière fois que des restes néandertaliens ont été exhumés en France remonte à 1978.

Les fouilles archéologiques ont mis au jour une trentaine de dents, des os de mandibule, des phalanges ou encore des fragments de crâne. L’individu a été surnommé Thorin, en référence à un personnage du Hobbit de J. R. R. Tolkien. Dans cette œuvre, Thorin est le dernier roi nain sous la montagne, le dernier représentant de sa lignée. Mais est-ce le cas du Néandertalien ?

D’après les analyses génétiques, il appartiendrait à une population jusqu’alors inconnue de l’espèce Homo neanderthalensis. La population de Thorin pourrait alors correspondre à une branche différente de néandertaliens.

Mais si l’étude tend faire de Thorin l’un des derniers représentants de cette population, Antoine Balzeau nuance : « l’ancienneté des restes humains semble encore à affiner, puisque l’article rapporte des âges différents selon les méthodes, ce qui a forcément une implication sur les relations entre Thorin et les autres populations néandertaliennes ».

Une population consanguine et génétiquement isolée ?

Toujours est-il que cette étude apporte de nouvelles données génétiques. Elle montre, en effet, une certaine diversité génétique au sein de l’espèce Homo neanderthalensis : « cette étude donne certes de nouveaux résultats mais ils doivent être recontextualisés ».

Un des points essentiels de cette étude concerne l’isolement génétique de cette population : « la lignée de Thorin » n’aurait eu aucun contact avec les autres néandertaliens. Une idée peu probable selon Antoine Balzeau : « cela implique qu'il ne se seraient pas déplacés pendant des dizaines de milliers d'années. Or, aucun site préhistorique, que ce soit La Ferrassie, Saint-Césaire ou Goyet en Belgique, ne montre une continuité de stationnement pendant autant de temps ».

De plus, le fait que ces populations soient assez éloignées les unes des autres ne veut pas dire qu’il n’y avait pas des échanges de gènes entre elles : « Pour Homo sapiens, on parvient à retracer les flux génétiques, c’est-à-dire des traces de mélanges génétiques entre populations, mais cela nécessite des données génétiques en quantité et très précises, or les données génétiques de Thorin, bien que remarquable pour un reste humain ancien, ne sont peut-être pas d’assez bonnes qualité pour détecter de tels mélanges. On ne peut donc assurément pas conclure qu’il n’y avait pas eu des échanges avec les autres populations. Par ailleurs, les comparaisons ont été réalisées sur des populations néandertaliennes qui n’étaient pas contemporaines. Or, si on compare des populations qui ont 5 000 ans d’écart, on va forcément trouver des différences génétiques du fait des migrations », ajoute Evelyne Heyer, généticienne au Muséum.

Qu’en est-il de la consanguinité ? Comme c’est le cas chez d’autres populations de Néandertaliens, la consanguinité était présente au sein de celle-ci. « Cela ne signifie pas pour autant qu’il y avait des unions entre apparenté très proche, entre cousins ou frères et sœurs. Quand on analyse une population de petite taille, on retrouve forcément plus de consanguinité que dans une grande population. Or, les Néandertaliens étaient plutôt des populations de petite taille », précise Evelyne Heyer. Il est difficile d’en faire véritablement une cause de son extinction au regard du peu d’éléments dont nous disposons à ce jour.

Pour conclure, « Néandertal n’est pas la seule espèce du genre Homo à avoir disparu, rappelle Antoine Balzeau. Il y a environ 50 000 ans, plusieurs autres espèces d'Homo ont également disparu sans que l’on en connaisse les raisons. Toutes les espèces ont une durée de vie limitée, et cela sans aucune exception ». Car si Homo sapiens a pour le moment connu un meilleur destin que son cousin Néandertal, rappelons qu’il sera lui aussi amené à disparaître...

Remerciements

Antoine Balzeau

Antoine Balzeau

Paléoanthropologue au Muséum national d’Histoire naturelle (Histoire naturelle de l’Homme préhistorique - UMR 7194)

Évelyne Heyer

Généticienne des populations humaines, Professeure du Muséum national d'Histoire naturelle. Auteure des ouvrages L'Odyssée des gènes en 2020 et La vie secrète des gènes en 2022.

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