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Marbre de Campan, talc de Luzenac et diamants de la Drôme

Au-delà du sport, le Tour de France donne aussi l’occasion de (re)découvrir nos paysages et parfois leurs bizarreries géologiques. Pour l’édition 2024, nous vous proposons une lecture géologique des principales étapes du Tour chaque semaine. Extraits choisis pour la troisième et dernière semaine du Tour.

Marbre de Campan rose au Grand Trianon

Marbre de Campan rose au Grand Trianon, à Versailles. 

CC BY-SA Wukicommons/Urban

La quatorzième étape du Tour de France 2024 (13 juillet), de Pau à Saint-Lary-Soulan, descend vers Sainte-Marie-de Campan entre la montée du col du Tournalet et celle du col d’Aspin.

Depuis l’Antiquité les carrières de Campan produisent plusieurs variétés de marbre : le Campan rubané, le Campan Vert, le Campan Rose et Vert et le Campan grand mélange, auxquels il faut ajouter une variété de Griotte rouge. Les Campans sont caractérisés par la présence de veines vertes, très sombres et marquées.

Ils ont été énormément utilisés dans les grands appartements de Versailles sous le règne de Louis XIV, pour des cheminées, mais également pour beaucoup de décors de panneaux muraux, en raison des très grandes qualités picturales de ses motifs.

Ainsi, l’Escalier de la Reine est principalement décoré de placages de Campan vert et de Campan grand mélange.

Escalier de la Reine, Versailles

Escalier de la Reine, Versailles. Placage des Campan vert et Campan grand mélange.

CC BY-SA APK

Le Tour 2024 passe aussi devant Payolle, connu pour ses marbres assez semblables à ceux de Campan. La marbrière de l’Espiadet à Payolle est réputée depuis l’époque romaine. Le marbre y était extrait pour réaliser des dallages, des baignoires pour les thermes, des décors pour les riches demeures, ou même des sarcophages.

Devenu « marbre royal » du temps de Louis XIV, le marbre de Campan se retrouve aujourd’hui un peu partout en France… et dans le monde. Par exemple, le Casino de Macao, ou encore des immeubles de luxe à Shanghaï. L’essentiel de la ressource est longtemps parti vers les États-Unis, désormais l’exportation se fait surtout vers le Golfe persique et l’Asie.

Le talc de Luzenac et les diamants de la Drôme

Venons-en à la quinzième étape (14 juillet), entre Loudenvielle et Plateau de Beille. 4 km avant l’arrivée au sommet de l’arrivée de l’étape, en regardant de l’autre côté de la vallée de l’Ariège, en direction de la petite ville de Luzenac vers le Nord-Est, on voit une grande « cicatrice » blanche balafrant le sommet de la montagne.

Il s’agit d’une des plus grandes carrières de talc du monde (400 000 tonnes par an) qui assure 10 % de la production mondiale !

Arrêtons-nous, enfin, à la 17e étape (17 juillet) entre Saint-Paul-Trois-Châteaux et Superdévoluy. Le Tour part de St-Paul-Trois-Châteaux au pied de la colline de Saint-Restitut, qui a été abondamment exploitée en carrière aérienne et souterraine jusqu’au milieu du XXe siècle pour ses calcaires qui étaient de très bonnes pierres de construction avec lesquelles monuments et édifices régionaux furent construits.

L’itinéraire suit la vallée de la Drome jusque Nyons où l’on s’enfonce entre les crêtes calcaires du Crétacé, puis Remuzat. C’est le pays des des septarias, des concrétions calcaires garnies de cristaux de quartz, également connus sous le nom de « diamants de la Drôme ».

Vue aérienne de la carrière de talc de Luzenac

Vue aérienne – formant un étonnant visage – de la carrière de talc de Luzenac. Google Earth.

© MNHN - P. De Wever
Beau cristal de quartz bipyramidé

Dans la fissure, on voit que la la paroi est tapissée de petits cristaux de calcite sombre. Un beau cristal de quartz bipyramidé est visible au centre de la photo. 

© P. Thomas
The Conversation

Auteurs

Patrick De Wever, Professeur, géologie, micropaléontologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original. Article publié le 9 juillet 2024.