Australopithèque Lucy
Australopithecus afarensis
Lucy est le nom qui a été donné à l’un des squelettes fossiles les plus connus de l’espèce Australopithecus afarensis.
La découverte de Lucy l'australopithèque
Le squelette fossile de Lucy a été mis au jour le 24 novembre 1974 à Hadar, un site qui se trouve dans la région de l’Afar, une zone de dépression géologique située au nord-est de l’Ethiopie. Découvert au cours d’une expédition scientifique – l’International Afar Research Expedition - codirigée par Donald Johanson, Maurice Taïeb et Yves Coppens, il a été surnommé Lucy en référence à la chanson Lucy in the sky with diamonds des Beatles. L’individu féminin était une jeune adulte âgée de moins de 20 ans à sa mort.
52 fragments d'os ont été retrouvés1. Ils correspondent à des parties cruciales du squelette (mandibule, restes dentaires, fragments du crâne, parties du bassin, fémur et membres supérieurs). Daté de 3,2 millions d’années, il s'agit du premier squelette bien conservé à avoir été découvert pour des périodes aussi anciennes.
Ce spécimen est également primordial, notamment pour discuter du répertoire locomoteur de l’espèce Australopithecus afarensis, de son dimorphisme sexuel ou encore de ses proportions corporelles.
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Ces 52 fragments correspondent à 42 os, soit 20 % d’un squelette complet. Cela a permis d’avoir une représentation d’environ 40 % du squelette total.
Les autres Australopithecus afarensis
D’autres individus ont été découverts dans la dépression de l’Afar. En 1975, un ensemble de 200 fragments appartenant à un minimum de 13 individus ont été retrouvés. Entre 1974 et 1992, ce ne sont pas moins de 500 restes attribués à Australopithecus afarensis qui ont été découverts à Hadar. D’autres restes appartenant à cette espèce sont aussi connus dans la basse vallée de l’Omo, au sud de l’Ethiopie, au Kenya (aux environs du Lac Turkana et dans le site de Kantis) et en Tanzanie (Laetoli).
En 2000, le squelette d’une petite australopithèque de trois ans a été retrouvée dans le gisement de Dikika. Elle a été nommée Selam (« paix ») et datée de 3,3 millions d’années.
Australopithecus afarensis en quelques détails anatomiques
Il existe une forte variation morphologique au sein de cette espèce. Elle est probablement due, en partie, à un important dimorphisme sexuel. Si Lucy mesure un peu moins d’1,10 mètre, cela n’est pas le cas pour tous les australopithèques de son espèce : un squelette partiel prénommé Kadanuumuu (« grand homme » en langue afar), retrouvé en 2005 dans le site de Korsi Dora, à Woranso Mille dans l’Afar, mesure environ 1,50 mètre.
Au niveau crânien, l’espèce Australopithecus afarensis présente une face haute, élargie à mi-hauteur et projetée vers l’avant (en particulier la partie en dessous du nez). Elle est dotée d’un appareil masticateur puissant avec des molaires et prémolaires relativement volumineuses par rapport à la taille corporelle.
Leurs membres supérieurs sont un peu plus longs que ceux des humains actuels. La morphologie de leurs bras, leurs coudes et leurs phalanges, longues et incurvées, indique qu’ils pouvaient se déplacer et grimper dans les arbres.
En revanche, leurs membres inférieurs sont assez courts, comparé aux humains actuels. Leur morphologie montre qu’ils pouvaient se tenir debout et avaient un mode de locomotion bipède. À Laetoli (en Tanzanie), des empreintes de pas attribuées à trois Australopithecus afarensis le montrent également.
Le processus de fossilisation des empreintes de Laetoli
Une piste de pas attribuée à trois australopithèques ainsi que des traces de girafes, pintades, serpent, etc. ont été découvertes dans une couche de cendres volcaniques à Laetoli, en Tanzanie. Ces traces ont été conservées grâce à une improbable succession d’événements : une éruption volcanique suivie d’une pluie, pendant laquelle les empreintes ont été laissées, puis un fort rayonnement solaire qui a séché la piste. Celle-ci a enfin été recouverte de cendres volcaniques ce qui a permis de la préserver.
Mode de vie et environnement
L’environnement des Australopithecus afarensis a pu être reconstitué avec l’appui de plusieurs disciplines scientifiques : paléontologie, palynologie2, géologie etc. Les différentes données issues de ces disciplines montrent qu’ils étaient capables de s’adapter à différents environnements dans l’espace et dans le temps. Ils pouvaient aussi bien vivre en bordure de points d’eau, dans des étendues herbeuses humides et des marécages d’eau douce, que dans des espaces densément boisés et des forêts montagnardes.
Les milliers de restes d’animaux recueillis à Hadar témoignent de la grande diversité faunique de ces milieux. L’espèce a donc pu côtoyer de nombreux animaux : des grands mammifères (des babouins, des gazelles, des hippopotames, des antilopes, des girafes, des cochons sauvages…), une grande diversité de rongeurs, des oiseaux, des crocodiles…
Un milieu varié dans lequel ils ont pu trouver le nécessaire pour leur alimentation. L’étude des traces d’usure et les analyses isotopiques au niveau des dents fait part d’un régime alimentaire assez varié, mais avant tout végétarien : graminées, fruits ou encore plantes grasses. La morphologie des molaires montre aussi que ces individus étaient capables de casser des objets durs (graines et tubercules), lorsque les aliments préférés n’étaient pas disponibles. Il est également possible qu’ils aient mangé un peu de viande à l’occasion.
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Il s'agit de l'étude des pollens.
Lucy était-elle notre ancêtre ?
Relecture scientifique
Sandrine Prat
Paléoanthropologue au Muséum national d'Histoire naturelle (Histoire naturelle de l'Homme préhistorique - UMR 7194)