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Du musée d'Ethnographie au Musée de l'Homme
De 1882 jusqu’à 2015, année de sa rénovation, revenons sur les 133 ans d’histoire du Musée de l'Homme.
1882-1928 : La « première vie » du Musée d’Ethnographie du Trocadéro
Le Musée d’Ethnographie du Trocadéro conservait ce qui était en train de « disparaître », soit du fait de la colonisation, soit du fait de l’évolution des sociétés. La présentation valorisait tant les types physiques que les productions culturelles et rejoignait en cela l’anthropologie développée par Armand de Quatrefages au Muséum national d’Histoire naturelle. La muséographie du Musée d’Ethnographie du Trocadéro reposait sur les conceptions évolutionnistes et ethnocentriques de son époque. Elle était marquée par les reconstitutions « grandeur nature » qui traduisaient la nécessité de faire revivre la civilisation pour comprendre l’objet issu de celle-ci.
Le Musée d’Ethnographie du Trocadéro était animé par le médecin Ernest-Théodore Hamy puis l’anthropologue René Verneau, mais manquait cruellement de moyens. Au début du XXe siècle, si le musée attira un temps les artistes qui y trouvaient une source d’inspiration, le public déserta peu à peu les lieux. Avec le manque de moyens, l'afflux abondant de nouveaux objets depuis les colonies, le musée finit par ressembler au cabinet de curiosités qu’il n'était pas.
1928-1936 : la « deuxième vie » du Musée d’Ethnographie du Trocadéro
En 1928, l'anthropologue et américaniste Paul Rivet accéda à la direction du Musée. Il en obtint le rattachement à la chaire d'anthropologie du Muséum national d'Histoire naturelle qu’il occupait alors et qu’il rebaptisa chaire d’ethnologie des hommes actuels et des hommes fossiles. Ce glissement de l’anthropologie à l’ethnologie marqua la naissance institutionnelle de celle-ci, au carrefour du « tout physique » de l'anthropologie et « tout social » de la sociologie.
Rivet imagina alors une institution pluridisciplinaire regroupant en un même lieu un enseignement universitaire, un musée, un laboratoire de recherche et une bibliothèque : c'est le « musée-laboratoire », qui ne verra réellement le jour qu'avec la création du Musée de l’Homme.
La création du Musée de l’Homme : 1937
Le Musée de l’Homme vit le jour dans un climat marqué par les bouleversements du Front populaire, l’exacerbation des nationalismes et les signes de la montée du fascisme. Inauguré le 20 juin 1938 par Albert Lebrun, président de la République, Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale, Albert Sarraut, ministre de l’Intérieur, et Georges Mandel, ministre des Colonies, le Musée de l’Homme souhaitait lutter contre le racisme, à l’image de son créateur.
« En créant ce titre, j’ai voulu indiquer que tout ce qui concernait l’être humain, sous ses multiples aspects, devait et pouvait trouver place dans les collections. (…) Il fallait rassembler en une vaste synthèse tous les résultats acquis par les spécialistes, les obliger ainsi à confronter leurs conclusions, à les contrôler et à les épauler l’une par l’autre. L’humanité est un tout indivisible, non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps »
Paul Rivet, anthropologue et fondateur du Musée de l'Homme
Le Musée de l’Homme reprit l’emplacement et une large part des collections du Musée d’Ethnographie du Trocadéro, et reçu les collections d’anthropologie du Muséum national d’Histoire naturelle. En septembre 1939, les salles d'anthropologie ont fermé par manque de personnel dû à la mobilisation. Elles ont rouvert progressivement à partir de novembre 1939 en dépit de la guerre. En l’espace de quelques années, le Musée devint un haut lieu de la recherche, et des scientifiques de grande renommée y installèrent leur laboratoire. Parmi eux, Claude Lévi-Strauss, Marcel Griaule, Michel Leiris, Robert Gessain, André Schaeffner, Thérèse Rivière, André Leroi-Gourhan, Germaine Tillion, Jean Rouch…
Les grandes expositions : années 1990
À partir des années 1990, le Musée de l’Homme réalisa des expositions permanentes de grande envergure, témoins de la vocation du Musée d’apporter des réponses aux questions des origines de l’Homme. Dès 1994, la Grande Galerie de l’Évolution du Muséum national d’Histoire naturelle présenta l’Homme en tant qu’un des facteurs de l’évolution récente. Il revint alors au Musée de l’Homme d’inscrire l’Homme dans l’évolution des espèces en détaillant l’histoire de la lignée humaine, et en illustrant les différentes conceptions de la nature et les usages qui en découlaient. La première exposition, la Nuit des temps, proposa la découverte de l’histoire paléontologique et culturelle de l’Homme, à travers l’exposition de restes humains fossiles, d’outils préhistoriques, et de relevés d’art rupestre. En 1992, l’exposition Tous parents tous différents mit en évidence les principaux résultats de la biologie des populations humaines actuelles, en insistant sur l’origine commune de tous les Hommes, tout en rappelant la diversité génétique et physique qui fait de chacun de nous un être unique. Dès 1994, Six milliards d’hommes présenta les mécanismes de la croissance de la population humaine et insista sur l’implication de nos modes de vie dans l’avenir de notre planète.
La reconfiguration du Musée de l’Homme : 2003-2015
À partir des années 1990, le Musée de l’Homme fit partie d’une décision politique et culturelle générale sur l’absence de valorisation des arts premiers — à savoir les arts africains, océaniens, américains et asiatiques — dans les musées français. En 1996, une commission du gouvernement Chirac proposa le rassemblement des collections du laboratoire d’ethnologie du Musée de l’Homme avec celles du Musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie dans un nouveau « Musée de l’Homme et des Arts premiers ». Si les premières observations envisagent la conception de ce nouveau musée dans les murs du Musée de l’Homme et du Musée national de La Marine voisin, la construction d’un nouvel établissement, le Musée du quai Branly, est finalement retenue. Au même moment, le projet du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée est confirmé. Y sont rassemblées les collections nationales d’ethnographie européenne, dont celles du Musée de l’Homme dès 2005. Le MUCEM ouvre ses portes à Marseille en 2013.
En juillet 2008, sur proposition de Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le gouvernement engagea la rénovation du Musée de l’Homme – site Chaillot du Muséum national d’Histoire naturelle. À partir d’avril 2009, les déménageurs succédèrent aux visiteurs au Musée de l’Homme. Dès la fermeture du site, le chantier s’installa. L’opération concerna une centaine de personnes des départements scientifiques « Préhistoire » et « Hommes, Natures, Sociétés » du Musée de l’Homme. Les équipes, accueillies au Jardin des Plantes, poursuivirent leurs activités de recherche et d’enseignement. Les collections furent également transférées. Une grande partie d’entre elles restant disponibles pour étude, la période des travaux fut l’occasion d’entamer un vaste chantier de réorganisation des collections.
Le nouveau Musée de l’Homme : 2015
Le nouveau Musée de l'Homme inauguré en 2015 a pour objectif la compréhension de l’évolution de l’Homme et des sociétés, en croisant les approches biologiques, sociales et culturelles. Il aborde aussi bien l’étude des périodes les plus anciennes que la période contemporaine qui questionne le devenir de l’Homme.
Musée de restitution des connaissances et de débats publics, le nouveau Musée de l’Homme comporte de vastes espaces publics réservés à ces fonctions. Expositions, balcon des sciences, auditorium, centre de ressources, salles d’enseignements, ateliers pédagogiques sont autant de lieux dans lesquels les visiteurs sont invités à vivre en direct l’actualité des Sciences de l’Homme. Par ailleurs, le Musée de l’Homme héberge des équipes de chercheurs internationalement reconnues qui travaillent sur l’évolution de l’Homme et les interactions entre les sociétés et leurs environnements.
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