Le mammouth de la Madeleine
Découverte en 1864, cette gravure de mammouth marque un tournant dans le monde scientifique : c’est grâce à cette pièce que la coexistence des humains avec des animaux disparus est définitivement prouvée.
Les débuts de la recherche en préhistoire
Dans les années 1860, la préhistoire est une science tout juste naissante et la recherche dans ce domaine est en pleine ébullition.
Grâce à de nombreux outils taillés découverts dès 1842 dans les couches les plus anciennes des terrasses de la Somme, Jacques Boucher de Perthes, l’un des inventeurs de la discipline, a démontré que des humains préhistoriques existaient déjà à une période très ancienne, à l’échelle des temps géologiques. Sa découverte rouvre les débats, au sein de l’Académie des Sciences, sur la grande ancienneté des humains.
En 1859, des scientifiques anglais et français reconnaissent la qualité de ses travaux et parmi eux, le paléontologue Édouard Lartet qui contribuera à changer radicalement la perception que le monde scientifique avait des humains préhistoriques.
Les fouilles de l'abri de la Madeleine
Au cours de l’été 1863, Lartet se rend aux bords de la Vézère, et notamment aux Eyzies en Dordogne. À cette époque, la première ligne de chemin de fer Périgueux‑Agen vient d’être inaugurée, mais le département ne dispose pas encore d’un très grand réseau de transport. C’est un territoire plutôt reculé qui offre à la vue de tous des escarpements majestueux dans lesquels sont creusés des grottes et de nombreux abris sous roches.
Lartet et Henry Christy, son ami et mécène anglais, font ainsi fouiller, aux Eyzies, la grotte Richard, plusieurs abris dans le vallon de Gorge d’Enfer et l’abri classique de Laugerie‑Basse ; à Saint‑Léon‑sur‑Vézère, l'abri supérieur du Moustier et à Tursac, le grand abri de la Madeleine. En mai 1864, le célèbre mammouth de la Madeleine est découvert lors d’une visite du chantier de fouilles en compagnie du paléontologue français Édouard de Verneuil et son confrère écossais Hugh Falconer – qui a étudié de nombreux fossiles de mastodonte aux Indes.
Ce jour‑là, un ouvrier vient de mettre au jour cinq fragments d’ivoire de mammouth. Les morceaux sont réassemblés et interprétés le jour‑même. Ils révèlent une fine gravure de mammouth laineux.
Le mammouth gravé de la Madeleine : une pièce remarquable
Il s’agit du premier portrait connu de l’animal. L’objet est d’une rare qualité artistique. Le mammouth est représenté sur ses propres restes fossiles (une défense) avec des détails anatomiques – comme le clapet anal ou encore la toison laineuse – qui prouvent que l’artiste préhistorique a vu l’animal dans la nature.
Soutenez la restauration de la plaquette du mammouth de la Madeleine
Fragilisée depuis sa découverte, la plaquette du mammouth de la Madeleine a fait l’objet de plusieurs restaurations anciennes, mais les méthodes de l’époque n’ont pas été sans conséquences sur son état et son apparence.
Après la restauration de la Vénus dite « impudique » de Laugerie-Basse, découverte par le marquis Paul de Vibraye en 1863, et de la Vénus de Lespugue (Haute-Garonne), découverte par le comte René de Saint-Périer en 1922, une nouvelle campagne de mécénat est en cours pour rendre toute sa splendeur à cette pièce unique et remarquable dans l’histoire des sciences. Vous pouvez, dès à présent, participer à la restauration de la plaquette du mammouth de la Madeleine.
Cette squame de mammouth marque ainsi une étape décisive dans l’histoire des sciences puisqu’elle fournit la meilleure preuve possible que les humains ont bien coexisté avec des espèces animales fossiles. Par ailleurs, elle atteste également de l’ancienneté des pratiques artistiques.
En 1867, lors de l’Exposition universelle de Paris, la pièce est présentée à la place d’honneur dans une vitrine dédiée à l’art de la Préhistoire, installée dans l’immense Galerie de l’Histoire du travail1.
- 1La Galerie de l'Histoire du travail a été construite pour l'Exposition universelle de 1867. Les plans du palais, situé sur le Champ de Mars, ont été confié à l'ingénieur Frédéric Le Play.
Remerciements à Patrick Paillet, préhistorien et maître de conférences au Muséum national d’Histoire naturelle (UMR 7194 – Histoire naturelle de l’Homme Préhistorique), pour sa relecture.