Les plésiosaures et les pliosaures
Les plésiosaures et les pliosaures sont de grands reptiles marins disparus. Ces prédateurs aquatiques au corps large se déplacent à l’aide de leurs quatre nageoires allongées. Ils se distinguent par un long cou chez les plésiosaures, ou une grande mâchoire chez les pliosaures.
Des reptiles marins emblématiques de l'ère Mésozoïque
Plésiosaures et pliosaures vivent à l’ère Mésozoïque. À cette époque, les dinosaures dominent les écosystèmes terrestres, alors que d’autres reptiles, ainsi que les ammonites, sont présents dans les écosystèmes marins.
Ces grands reptiles marins, au corps large et dotés de 4 longues nageoires, sont apparus à la fin du Trias, il y a plus de 200 millions d’années, et ont peuplé toutes les mers et tous les océans du globe du Jurassique jusqu’à la fin du Crétacé il y a 66 millions d'années.
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Deux groupes frères aux morphologies singulières
Les plésiosaures et les pliosaures appartiennent tous deux à l’ordre des plésiosauriens (Plesiosauria), ils en constituent chacun un groupe distinct : les plésiosaures (Plesiosauroidea) d’une part, et les pliosaures (Pliosauridae) d’autre part. On dit alors qu’il s’agit de deux groupes frères. D’autres groupes, plus restreints, existent parmi les plésiosauriens, comme par exemple les rhomaléosaures (Rhomaleosauridae).
Il est à noter que le terme « plésiosaure », ou l’expression « plésiosaure au sens large », sont parfois employés par simplification pour désigner tous les plésiosauriens (Plesiosauria), plutôt que les seuls plésiosaures au sens strict (les Plesiosauroidea).
Malgré de nombreux traits communs, plésiosaures et pliosaures se différencient généralement par leur morphologie et leur mode de vie.
Le long cou des plésiosaures
La plupart des plésiosaures, et notamment les plus connus du grand public, possèdent un long cou, parfois plus long que le reste de leur corps, et une petite tête munie de dents pointues.
Cette anatomie très particulière est source de confusion car elle peut rappeler le cou de grands dinosaures sauropodes, comme le Diplodocus, alors que les plésiosaures ne sont pas des dinosaures.
Les légendes autour du monstre du Loch Ness tendent aussi à le rapprocher des plésiosaures, alors que ces derniers se sont éteints il y a 66 millions d’années.
Malgré leur taille parfois impressionnante, pouvant excéder les 10 mètres, les plésiosaures ne chassent pas de grandes proies : leur petite tête et leurs dents de taille modeste et de forme conique leur permettent uniquement de se nourrir de petites proies comme des poissons, des céphalopodes ou des invertébrés vivant sur les fonds marins (bivalves, crustacés, gastéropodes...).
Si le long cou est un trait répandu et généralement caractéristique des plésiosaures, il existe quelques exceptions tels que les polycotylidés, des plésiosaures apparus tardivement au Crétacé et possédant un cou bien plus court.
Le tête-à-queue historique de l’élasmosaure
Le genre Elasmosaurus a été décrit en 1868 par le paléontologue Edward Drinker Cope. Mais celui-ci fit une erreur en reconstruisant l’anatomie de l’animal, plaçant la tête au bout de la queue, plutôt qu’au bout du cou. Les dimensions du cou de l’animal étaient en effet trompeuses. Un autre paléontologue américain, Othniel Charles Marsh, s’attribua la correction de cette erreur. Une querelle démarra entre les deux hommes : elle fut à l'origine d'un épisode appelé la « Guerre des Os », sans doute le plus fameux conflit de l’histoire de la paléontologie.
Le monstre du Loch Ness : un plésiosaure actuel ?
Nessie, le fameux « monstre du Loch Ness », est supposé être un animal aquatique, vivant en Écosse et possédant un long cou et une petite tête.
La plus célèbre photographie supposée de cet animal a poussé certains de ses adeptes à le considérer comme un plésiosaure encore vivant aujourd’hui.
Cependant, la-dite photographie montre une courbure de cou qu’on sait aujourd’hui impossible pour les vertèbres d’un plésiosaure. Il n’y a par ailleurs plus aucune trace du moindre plésiosaure vivant sur Terre depuis 66 millions d’années, une telle lignée survivante aurait forcément laissé des traces fossiles. Les connaissances du registre fossile rendent impensable la survie des plésiosaures jusqu'à nos jours.
L’auteur de la photographie a par ailleurs avoué qu’il s’agissait d’un canular.
Les « Presque lézards » ?
Le premier plésiosaure décrit, Plesiosaurus dolichodeirus, a été nommé en 1824 par William D. Conybeare. Ce fut l’un des premiers reptiles marins disparus à être découverts. Le nom « Plesiosaurus » provient des termes grecs « Plesio » et « Sauros » signifiant « presque lézard ». Il fut décrit à partir de fossiles découverts par la célèbre paléontologue Mary Anning.
Le crâne massif des pliosaures
Les pliosaures sont caractérisés par un cou court, un crâne long et triangulaire et de larges dents. Chez certaines espèces de pliosaures, le crâne peut mesurer plus d’un mètre de long, dépassant même les 2 mètres chez les espèces Kronosaurus queenslandicus et Pliosaurus kevani.
Des études récentes du crâne de Pliosaurus kevani indiquent que la puissance de sa mâchoire est équivalente à celle de Tyrannosaurus rex et largement supérieure à celle de tous les animaux actuels, grand requin blanc et crocodile marin inclus, notamment en raison de la grande taille de la mâchoire du pliosaure.
D’autres animaux disparus possèdent cependant une mâchoire plus puissante, comme le crocodile géant Deinosuchus, contemporain de certains pliosaures, ou encore le requin géant Megalodon, qui apparaîtra plus de 50 millions d'années après la disparition des derniers pliosaures.
Avec leur museau triangulaire, leur silhouette hydrodynamique indique qu’ils peuvent se déplacer rapidement, notamment dans le cadre de la prédation.
Les pliosaures étaient donc des mégaprédateurs, ce qui signifie que les plus grands d'entre eux n'étaient chassés par aucun autre animal. Ils s’attaquaient probablement à de grands poissons et céphalopodes, mais également à d'autres reptiles marins de taille inférieure à la leur, tels que certains plésiosaures.
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Des reptiles adaptés à la vie aquatique
À l'exception de leur tête et de leur cou, plésiosaures et pliosaures sont très proches sur le plan anatomique. Leur corps large, en forme de tonneau, est moins fuselé que celui des « poissons » ou des ichthyosaures, mais leurs nageoires allongées et plates sont fortement adaptées à la locomotion en milieu aquatique.
Voler sous l'eau : le vol subaquatique
Contrairement à la majorité des vertébrés aquatiques, les plésiosaures et les pliosaures possèdent une queue courte et peu puissante, probablement pas utilisée pour la propulsion.
Les plésiosaures et les pliosaures se propulsent à l’aide de leurs quatre membres modifiés en palettes natatoires, très allongées, qui font office de nageoires. Ces palettes natatoires correspondent aux quatre pattes de leurs ancêtres terrestres.
Ce type de nage, proche de celui qu'effectuent les tortues marines avec leurs nageoires antérieures, rappelle les mouvements d’ailes de certains oiseaux et insectes, mais implique l'utilisation des 4 membres, vraisemblablement battus de manière alternée. Ce type de locomotion est appelé « vol subaquatique ».
Parmi les espèces actuelles qui pratiquent une autre forme de vol sub-aquatique, avec seulement deux nageoires principales, se trouvent les tortues marines, les lions de mer ou encore les manchots.
Afin de se propulser avec ces grandes nageoires, plésiosaures et pliosaures sont munis de muscles très puissants au niveau de leur ceinture scapulaire (comprenant les omoplates et les clavicules) et de leur bassin.
Comment respirent les plésiosaures et les pliosaures ?
Comme tous les reptiles marins du Mésozoïque, et à la manière des mammifères marins actuels, les plésiosaures et les pliosaures respirent hors de l’eau. Ils doivent donc régulièrement remonter à la surface, et peuvent probablement retenir leur respiration pendant un long moment.
Des reptiles marins de grande taille
Bien que la taille des plésiosauriens varie d’une espèce à l’autre, tous sont de grande taille. Même les plus petites espèces connues dépassent les 1,5 mètres à l'âge adulte. Dès le Jurassique, plusieurs espèces atteignent des tailles remarquables. Certains spécimens de plésiosaures et de pliosaures découverts en très bon état mesurent plus de 10 mètres de long :
- Plusieurs plésiosaures peuvent atteindre les 12 mètres notamment au sein des genres Elasmosaurus, Albertonectes et Thalassomedon.
- Les pliosaures du genre Pliosaurus peuvent dépasser les 10 mètres.
- Chez les pliosaures comme chez les plésiosaures, des restes fragmentaires semblent correspondre à des individus atteignant les 13 mètres de long.
Une preuve de viviparité chez les plésiosaures
Pendant près de deux siècles, aucune preuve fossile n’a renseigné les scientifiques sur la naissance des plésiosaures et pliosaures : pondaient-ils des œufs ? Avaient-ils des portées de nombreux petits ?
En 2011, l’examen approfondi d’un fossile de l’espèce Polycotylus latippinus, une espèce de plésiosaures de la fin de l’ère Mésozoïque, a révélé qu’il s’agissait d’une mère gestante. L’embryon qu’elle portait était déjà en bonne partie formé, proche de sa naissance.
Cette étude a permis de confirmer que l’espèce était vivipare : c’est à dire que l’embryon se développe dans le ventre de sa mère et non dans un œuf.
Par ailleurs, la taille du petit à la naissance, pour l’espèce étudiée, a été estimée à environ 60% de la taille d’un adulte. Cela renseigne sur la stratégie reproductive de ces plésiosaures, qui semblaient donner naissance à un seul petit de grande taille (à la manière des Cétacés), plutôt qu’à une portée de nombreux petits de taille moins importante (à la manière des Ichthyosaures).
De nombreux fossiles de femelles portant des petits seront bien sûr nécessaires avant de pouvoir généraliser ces conjectures à l’ensemble des plésiosaures, ou encore aux pliosaures.
Des reptiles présents sous toutes les latitudes
Les plésiosaures et les pliosaures sont endothermes, ou « à sang chaud » : leur corps est capable de produire de la chaleur et de maintenir constante leur température corporelle, plutôt que d'être contraint par la température de leur environnement.
L'endothermie a permis à de nombreuses espèces de se diversifier à des latitudes et des climats différents, qu'il s'agisse de zones intertropicales ou de régions situées à proximité des pôles.
Pourquoi trouve-t-on des fossiles de plésiosaures sur les continents ?
Aujourd'hui, les découvertes de fossiles de reptiles marins se font notamment sur les côtes, mais aussi à l'intérieur des terres. Comment ces fossiles d'animaux marins se sont-ils retrouvés en surface ?
Au Mésozoïque, il y a plus de 66 millions d'années, le climat était bien plus chaud qu’aujourd’hui, et le niveau de la mer était élevé. De nombreuses régions aujourd’hui émergées se trouvaient alors sous l’eau : l'Europe était par exemple un archipel.
Dans le cas des plésiosaures, de rares fossiles sont également retrouvés dans des régions qui étaient déjà émergées au Mésozoïque : il s’agissait de fleuves, où ces grands reptiles marins seraient parfois remontés au cours de leur vie. La raison de leur présence dans ces eaux n'est pas connue aujourd'hui, mais sera probablement discutée dans des recherches à venir...
Où voir des plésiosaures et des pliosaures à Paris ?
Le fossile ci-dessus est exposé dans la Galerie de Paléontologie, au Jardin des Plantes de Paris.
Les visiteurs peuvent également découvrir de nombreux fossiles de reptiles marins du Mésozoïque, incluant des fossiles de plésiosaures, de pliosaures, d’ichthyosaures ou encore de mosasaures.
Le Mésozoïque dans l'histoire de la vie
Relecture et contribution
Peggy Vincent
Paléontologue spécialiste des reptiles marins mésozoïques, chargée de recherche au Centre de Recherche en paléontologie - Paris (CR2P, UMR 7207).
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Bibliographie
Ouvrage grand public :
- La mer au temps des dinosaures, Belin 2021, Nathalie Bardet, Alexandra Houssaye, Stéphane Jouve, Peggy Vincent
Publications scientifiques :
- P. Martin Sander, Plesiosaurs, Current Biology, Volume 33, Issue 10, 2023, Pages R389-R394, ISSN 0960-9822, 10.1016/j.cub.2023.04.018
- P. Vincent, A.-S. Grosjean, D. Bert, J. Ferreira, B. Suchéras-Marx, G. Suan, G. Guinot, V. Perrier, K. Janneau, J.-M. Brazier, E. Sarroca, M. Guiomar and J.E. Martin. 2020. « Paleoenvironmental Context and Significance of a Partial Elasmosaurid Skeleton from the Albian of Haute-Provence, France ». Cretaceous Research 108 (janvier): 104293. doi:10.1016/j.cretres.2019.104293
- Peggy Vincent, Nathalie Bardet, Alexandra Houssaye, Mbarek Amaghzaz and Saïd Meslouh. 2013. « New Plesiosaur Specimens from the Maastrichtian Phosphates of Morocco and Their Implications for the Ecology of the Latest Cretaceous Marine Apex Predators ». Gondwana Research 24 (janvier): 796-805. doi:10.1016/j.gr.2012.11.011
- Foffa, D., Cuff, A.R., Sassoon, J., Rayfield, E.J., Mavrogordato, M.N. and Benton, M.J. (2014), Functional anatomy and feeding biomechanics of a giant Upper Jurassic pliosaur (Reptilia: Sauropterygia) from Weymouth Bay, Dorset, UK. J. Anat., 225: 209-219. 10.1111/joa.12200
- F. R. O’Keefe and L. M. Chiappe. 2011. « Viviparity and K-Selected Life History in a Mesozoic Marine Plesiosaur (Reptilia, Sauropterygia) ». Science 333 (janvier): 870-73. doi:10.1126/science.1205689. https://www.science.org/doi/10.1126/science.1205689
- Aurélien Bernard, Christophe Lécuyer, Peggy Vincent, Romain Amiot, Nathalie Bardet, Eric Buffetaut, Gilles Cuny, François Fourel, François Martineau, Jean-Michel Mazin and Abel Prieur. 2010. « Regulation of Body Temperature by Some Mesozoic Marine Reptiles ». Science 328 (janvier): 1379-82. doi: 10.1126/science.1187443